Un duo difficile à diagnostiquer
Les personnes autistes peuvent être confrontées à d'autres troubles psychiatriques, dont le trouble bipolaire, une condition marquée par des variations extrêmes de l’humeur et de l'énergie. Comprendre cette association est essentiel pour offrir un diagnostic et un traitement adaptés.
L’histoire de Jonathan, un exemple parlant
Prenons l'exemple de Jonathan, un jeune adulte autiste. Dans sa vingtaine, Jonathan a commencé à afficher des comportements inhabituels : il parlait fréquemment de feux et de mort, alors qu'il avait toujours été calme. Petit à petit, il a eu des difficultés à accomplir des tâches qu’il gérait auparavant sans problème. Sa mère, inquiète, a constaté qu'il rangeait des objets à des endroits inappropriés, comme des fourchettes dans la poubelle ou une serviette sale dans le réfrigérateur. Après plusieurs jours sans sommeil, Jonathan a cessé de parler et a montré une grande surprise lorsqu'il a vu sa mère vivante, bien qu'il n'ait jamais eu de raison de penser qu'elle ne l’était pas.
Ces changements soudains ont conduit son médecin à le référer à une clinique spécialisée dans les troubles du développement. Le diagnostic est tombé : Jonathan souffrait de trouble bipolaire en plus de son autisme.
L’histoire de Jonathan n’est pas un cas isolé. Environ 10 % des adultes autistes développent un trouble bipolaire, un taux bien plus élevé que dans la population générale où environ 2 % des adultes sont touchés. Selon plusieurs études, ce risque est de trois à six fois plus élevé chez les personnes sur le spectre autistique. Le trouble bipolaire apparaît souvent à l’adolescence ou au début de la vingtaine, une période critique pour le développement personnel et social.
Qu'est-ce que le trouble bipolaire ?
Le trouble bipolaire est un trouble psychiatrique grave qui se manifeste par des changements drastiques d'humeur et de niveaux d'énergie. Les personnes atteintes de ce trouble peuvent connaître des épisodes maniaques, caractérisés par une hyperactivité, des idées inhabituelles, une réduction du besoin de sommeil, et des épisodes de dépression profonde où la tristesse et la perte d'énergie prennent le dessus. Dans certains cas, des délires ou des hallucinations peuvent survenir.
Les personnes atteintes de ce trouble sont également exposées à un risque plus élevé de suicide. En fait, le taux de suicide chez ces individus est 15 fois plus élevé que dans la population générale.
Comorbidités : une problématique pour les personnes autistes
En plus du trouble bipolaire, de nombreuses personnes autistes souffrent d'autres troubles psychiatriques. Une étude menée auprès de 2 900 adultes autistes a révélé que 41 % d'entre eux avaient également un trouble anxieux, 39 % un trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH), 24 % un trouble obsessionnel-compulsif (TOC), et 20 % étaient dépressifs. Bien que ces comorbidités soient fréquentes, elles peuvent souvent compliquer le diagnostic et le traitement du TSA.
Le diagnostic du trouble bipolaire présente des difficultés particulières, en effet, les symptômes du TSA, tels que l'irritabilité, la perte de sommeil ou l'hyperactivité, peuvent être confondus avec ceux du trouble bipolaire. Les médecins doivent donc examiner attentivement l'historique des comportements pour identifier les cycles distincts de manie et de dépression.
Le psychiatre Robert Wisner-Carlson souligne l'importance de poser les bonnes questions lors de l'évaluation d'une personne autiste. "Il est indispensable de se demander si la personne a connu des épisodes de manie, même partiels, ou si elle a des antécédents familiaux de trouble bipolaire", explique-t-il. Un diagnostic précis est d'autant plus essentiel que les traitements diffèrent selon le trouble.
Un traitement délicat et individualisé
Le traitement du trouble bipolaire repose principalement sur des stabilisateurs d'humeur et des antipsychotiques. Ces médicaments peuvent également être utilisés pour traiter les comportements irritables ou agressifs souvent observés chez les personnes autistes. Cependant, il est essentiel d'adopter une approche prudente, car certains traitements, comme les antidépresseurs, peuvent déclencher des épisodes maniaques.
Fombonne, pédopsychiatre renommé, met en garde contre les diagnostics hâtifs chez les jeunes. "Au cours des 20 dernières années, le diagnostic de trouble bipolaire a parfois été posé de manière trop libérale chez les jeunes. Il est donc indispensable d'éviter tout surdiagnostic, surtout chez les personnes autistes."
Une influence génétique possible
Certaines études suggèrent que le trouble bipolaire, l'autisme et la schizophrénie pourraient avoir des origines génétiques communes. En effet, plusieurs familles ayant des membres autistes présentent également des cas de trouble bipolaire ou de schizophrénie. Des recherches génétiques ont identifié des gènes partagés entre ces troubles, renforçant l'idée qu'ils pourraient être liés.
Conclusion
L'association entre l'autisme et le trouble bipolaire est complexe, mais elle ne doit pas être négligée. Les personnes autistes sont plus vulnérables aux troubles psychiatriques graves, ce qui rend le diagnostic et le traitement encore plus essentiels. Avec une évaluation soignée et un traitement personnalisé, il est possible d'améliorer considérablement la qualité de vie des personnes touchées.
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