Dans la complexité des émotions humaines, nous devons distinguer l'empathie de la sympathie de la compassion.
L'empathie est notre capacité à percevoir et comprendre les sentiments d'autrui, sans pour autant les ressentir nous-mêmes, évitant ainsi une contagion émotionnelle. À l'inverse, la sympathie implique de partager ces émotions, souvent avec une implication émotionnelle plus profonde. Quant à la compassion, elle va au-delà de la compréhension des souffrances d'autrui pour inclure un désir actif de soulager ces souffrances. Ces nuances nous aident à naviguer dans nos interactions avec les autres, en équilibrant compréhension, partage émotionnel et action bienveillante.
Je voulais faire un article unique abordant ces 3 items, cependant il y a tellement à dire que je me suis (encore) perdue 😅. J'ai donc décidé de faire trois articles et ce premier de la trilogie porte donc sur :
L'empathie
L'empathie est cette faculté intérieure qui nous permet de nous connecter aux expériences émotionnelles d'autrui. Elle n'implique pas de vivre soi-même ces émotions, mais de les comprendre du point de vue de l'autre. C'est comme si nous avions un miroir mental qui reflète les sentiments de la personne en face de nous, sans que ces sentiments ne deviennent les nôtres. Cette capacité de se mettre à la place de l'autre, tout en conservant notre propre perspective émotionnelle, est au cœur de l'empathie. Elle constitue une compétence essentielle pour des relations interpersonnelles saines et empathiques.
Une étude menée par Jeffrey Mogil et son équipe à l'Université McGill a révélé des aspects de l'empathie et de son lien avec les relations sociales. L'équipe a découvert que les individus ressentent une empathie accrue en présence d'amis plutôt qu'avec des étrangers, un phénomène attribué au stress social. En effet, lorsqu'ils ont été placés en situation de stress – comme plonger un bras dans l'eau glacée – en présence d'un ami, les participants ont ressenti une empathie plus profonde, interprétée comme un partage de la douleur de l'autre. Étonnamment, cette réaction empathique s'étendait même aux étrangers, à condition qu'ils aient partagé une expérience commune, même brève, comme jouer ensemble à un jeu vidéo. Cette activité récréative a suffi pour établir un sentiment d'amitié et ainsi augmenter l'empathie entre les participants. Ces résultats suggèrent que l'empathie n'est pas figée, mais peut être façonnée et renforcée par nos expériences et nos interactions, soulignant l'importance des activités partagées et du contexte social dans la modulation de notre réponse empathique ["].
L'empathie est le lien qui nous unit, nous permettant de ressentir et de comprendre les expériences des autres, tout en conservant notre propre perspective. Les études récentes, comme celles menées à l'Université McGill, révèlent que l'empathie est un phénomène complexe, influencé par nos relations, nos expériences partagées et même notre environnement social.
Cette capacité à se connecter avec autrui n'est pas statique ; elle évolue et se transforme selon le contexte et les personnes impliquées. Cela signifie que l'empathie peut être développée et renforcée à travers nos interactions, nos expériences partagées et notre compréhension mutuelle.
On dit souvent que les personnes TSA n'ont pas d'empathie, d'où vient cette croyance ?
L'idée fausse selon laquelle les personnes autistes manquent d'empathie provient de plusieurs malentendus et stéréotypes sur l'autisme. Voici quelques facteurs qui ont contribué à cette croyance :
Les difficultés de Communication et d'Expression Émotionnelle
Les personnes TSA peuvent éprouver des difficultés à exprimer leurs émotions de manière conventionnelle. Cela peut être interprété comme un manque d'empathie.
Cette difficulté ne signifie pas qu'elles ne ressentent pas d'émotions, mais plutôt qu'elles peuvent avoir du mal à les exprimer de manière typique. Par exemple, elles peuvent ne pas sourire ou rire dans des situations joyeuses, ou peuvent ne pas pleurer dans des moments tristes. De l'extérieur, cela peut être perçu à tort comme un manque d'empathie ou d'émotions. En réalité, ces personnes peuvent ressentir des émotions profondément, mais leurs moyens d'expression sont différents de ceux généralement attendus dans les interactions sociales.
De Théories Psychologiques Antérieures et Des Études et Recherches Limitées
Dans le passé, les théories psychologiques sur l'autisme ont souvent mal interprété les comportements associés à ce trouble. Ces théories, basées sur des observations limitées et une compréhension incomplète de l'autisme, ont parfois attribué les comportements autistiques à un manque d'empathie ou à une incapacité à comprendre les émotions des autres. Cette interprétation reposait sur l'idée que les personnes autistes étaient déconnectées ou indifférentes aux sentiments des autres, en raison de leurs réactions atypiques dans les interactions sociales.
Cependant, avec les progrès de la recherche et une meilleure compréhension de l'autisme, il est devenu clair que ces comportements ne reflètent pas un manque d'empathie, mais plutôt des différences dans le traitement de l'information et la communication. Les personnes autistes peuvent traiter les informations sensorielles et émotionnelles de manière différente, ce qui peut influencer leur façon de réagir dans les situations sociales. Par exemple, elles peuvent avoir du mal à interpréter des indices non verbaux ou à exprimer leurs émotions de manière conventionnelle, ce qui peut être mal interprété comme un manque d'empathie.
Ces anciennes théories ont contribué à des stéréotypes et à des malentendus sur l'autisme, en négligeant la complexité et la diversité des expériences des personnes autistes. La recherche moderne souligne l'importance de reconnaître et de comprendre ces différences, plutôt que de les interpréter à tort comme un déficit émotionnel ou empathique.
La Confusion entre Empathie et Sympathie
L'empathie implique de comprendre les émotions des autres de leur propre point de vue, tandis que la sympathie est le partage ou la résonance avec les émotions d'autrui. Pour les personnes autistes, cette distinction est importante. Elles peuvent posséder une compréhension émotionnelle fine (empathie), mais ne pas toujours montrer de réactions émotionnelles visibles (sympathie) conformes aux attentes sociales. Cette différence peut parfois être mal interprétée comme un manque de sensibilité ou d'empathie, alors qu'en réalité, elle reflète simplement une manière différente de traiter et de réagir aux émotions.
Le Manque de Reconnaissance des Diversités de l'Autisme
L'autisme étant un spectre, il se manifeste de manière extrêmement variée d'une personne à l'autre. Historiquement, une approche généralisée a souvent été adoptée, ce qui a conduit à une simplification excessive et à des malentendus sur ce que signifie être autiste. Cette vision uniforme a négligé les nuances et la richesse des expériences individuelles des personnes autistes, omettant de prendre en compte les variations significatives dans les capacités, les défis, les comportements et les besoins de chacun.
Confusion entre l'autisme et l'alexithymie
c'est quoi l'alexithymie ?
L'alexithymie est un terme utilisé pour décrire une condition où une personne a des difficultés à identifier, comprendre et exprimer ses émotions.
Voici quelques caractéristiques de l'alexithymie :
Une difficulté à Identifier les Émotions. Les personnes alexithymiques ont souvent du mal à reconnaître leurs propres sentiments. Elles peuvent se sentir mal à l'aise ou perturbées sans pouvoir identifier précisément ce qu'elles ressentent.
Des problèmes d'Expression Émotionnelle. Les personnes alexithymiques ont du mal à exprimer leurs émotions, que ce soit verbalement ou par d'autres moyens. Elles peuvent paraître émotionnellement distantes ou indifférentes.
La pensée Concrète. Elles ont tendance à avoir une pensée orientée vers des aspects concrets et logiques de la vie, plutôt que vers des éléments émotionnels ou abstraits.
La difficulté à Discerner les Émotions des Autres. En plus de leurs propres émotions, les personnes alexithymiques peuvent avoir du mal à comprendre les émotions des autres, ce qui peut affecter leurs interactions sociales.
Le manque d'Imagination. Elles peuvent également avoir une imagination limitée et avoir tendance à éviter les activités qui impliquent l'imagination ou la fantaisie.
L'alexithymie n'est pas spécifique à l'autisme ; elle peut se manifester dans la population générale et est également observée dans divers autres troubles psychologiques et neurologiques.
Une recherche pertinente menée par Rebecca Brewer et Jennifer Murphy a étudié l'empathie dans le
contexte de l'autisme et de l'alexithymie, une condition caractérisée par des difficultés à comprendre et à identifier ses propres émotions. Ils ont trouvé que les individus avec autisme mais sans alexithymie montrent des niveaux typiques d'empathie, tandis que les personnes avec alexithymie, qu'elles aient ou non l'autisme, sont moins empathiques. Ces résultats suggèrent que ce n'est pas l'autisme qui est associé à un manque d'empathie, mais plutôt l'alexithymie. Les personnes avec alexithymie
peuvent toujours se soucier des sentiments des autres, mais leur incapacité à reconnaître et à comprendre certaines émotions, comme la
colère, pourrait rendre difficile une réponse empathique spécifique à ces émotions. En outre, leurs recherches ont démontré que les problèmes de reconnaissance des émotions sont associés à l'alexithymie et non à l'autisme ["].
Ces études réfutent l'idée que l'autisme nuit à la reconnaissance des émotions et à l'empathie, et soulignent l'importance de distinguer l'autisme de l'alexithymie pour comprendre ces capacités chez les personnes autistes.
En réalité, de nombreuses personnes autistes rapportent ressentir de l'empathie, souvent de manière intense. Elles peuvent simplement l'exprimer différemment ou avoir besoin de méthodes de communication alternatives pour partager leurs sentiments. La compréhension de l'autisme a beaucoup évolué, et les stéréotypes tels que le manque d'empathie sont de plus en plus remis en question et corrigés par des recherches plus nuancées et inclusives.
Une étude publiée dans "Scientific Reports" a examiné les associations entre les traits autistiques et les différents aspects de l'empathie chez les adultes avec un trouble du spectre de l'autisme (TSA) sans déficience intellectuelle. Cette étude a révélé que les adultes avec TSA avaient des scores significativement plus bas en empathie cognitive, notamment dans les domaines de la prise de perspective et de la simulation en ligne. Cependant, il n'y avait pas de différence significative en empathie affective entre les adultes avec TSA et les contrôles non autistes, après ajustement pour l'intelligence générale et les scores de dépression. Ces résultats suggèrent que, bien que les personnes avec TSA puissent éprouver des défis en empathie cognitive, leur capacité à ressentir de l'empathie affective reste intacte ["].
Le lien entre empathie et bien-être social
Comme nous l'avons dit plus haut, l'empathie joue un rôle dans la compréhension et la navigation des relations sociales. Elle permet aux individus de percevoir et de répondre de manière appropriée aux émotions des autres, facilitant ainsi la communication et la connexion.
Pour les personnes TSA, des défis dans l'empathie cognitive peuvent parfois rendre les interactions sociales plus compliquées. Cependant, une empathie affective intacte peut leur permettre de ressentir profondément les émotions d'autrui. En développant des stratégies pour renforcer l'empathie cognitive, comme la théorie de l'esprit et la pratique de la prise de perspective, les personnes peuvent ainsi améliorer leurs compétences sociales et, par conséquent, leur bien-être social.
En outre, la société peut jouer un rôle en offrant un environnement compréhensif et inclusif qui reconnaît et valorise la diversité des expériences empathiques, particulièrement chez les personnes TSA. Cela contribue non seulement à leur bien-être social, mais aussi à une société plus empathique et inclusive 😊
Définition :
Empathie cognitive et Empathie affective
L'empathie cognitive et l'empathie affective sont deux aspects distincts de l'empathie.
Empathie Cognitive
C'est la capacité de comprendre intellectuellement les émotions et les pensées d'une autre personne. Elle implique de se mettre à la place de l'autre pour saisir son point de vue ou sa situation, sans nécessairement ressentir les mêmes émotions.
Empathie Affective
Elle concerne la capacité de ressentir les émotions d'autrui. Cela signifie partager ou être touché par les sentiments de l'autre, comme la tristesse ou la joie, et souvent ressentir une réaction émotionnelle en réponse.
Ces deux formes d'empathie sont importantes pour les relations interpersonnelles, mais elles fonctionnent différemment et peuvent varier d'une personne à l'autre en raison de plusieurs facteurs, comme :
Les traits de Personnalité et Tempérament.
L'expériences de Vie.
Le contexte Culturel et Social.
La neurodiversité.
Le développement Émotionnel et Éducatif.
Ainsi, la combinaison unique de ces facteurs chez chaque individu contribue à la diversité des expériences empathiques.
Quelles stratégies pour développer l'empathie cognitive et affective ?
(Là encore, chaque item est sujet à article 😅, step by step ils arrivent, alors pour revoir une notification lors de leur parution, abonne toi à la news letter)
La ToM, qui implique la capacité à comprendre les états mentaux des autres, peut être développée à travers des exercices spécifiques. Des thérapies comportementales ou des jeux de rôle peuvent aider à mieux saisir les perspectives et les émotions des autres.
Participer à des groupes d'habiletés sociales peut aider à apprendre et à pratiquer la reconnaissance et la réponse aux signaux sociaux et émotionnels dans un environnement sûr et structuré.
Utilisation de Supports Visuels
Les supports visuels tels que des cartes d'émotions ou des histoires sociales peuvent aider à identifier et à comprendre les émotions, tant chez soi que chez les autres.
Mindfulness et Pleine Conscience
Pratiquer la pleine conscience peut aider à devenir plus conscient de ses propres émotions et de celles des autres, améliorant ainsi l'empathie.
Exposition à Diverses Perspectives
Lire des livres, regarder des films ou écouter des histoires qui présentent une variété de perspectives peut aider à développer une meilleure compréhension des expériences et des émotions des autres.
Journal Émotionnel
Tenir un journal pour noter et réfléchir à ses propres émotions et à celles observées chez les autres peut renforcer la prise de conscience et la compréhension émotionnelle.
Entraînement à la Réflexion Emotionnelle
Encourager la réflexion sur les émotions ressenties dans différentes situations et comment elles pourraient affecter les autres.
Ces stratégies doivent être adaptées aux besoins individuels de chaque personne, en tenant compte de leur niveau de fonctionnement, de leurs intérêts et de leurs forces. Une approche personnalisée et empathique est essentielle pour le développement efficace de l'empathie.
Bibliographie
"L’empathie" par Alain Berthoz et Gérard Jorland. Ce livre aborde des questions sur l’empathie, sa distinction d'avec la sympathie et la compassion, et ses implications dans les troubles du comportement
"Empathie et manipulations – Les pièges de la compassion" par Serge Tisseron. Ce livre examine comment l’empathie peut être menacée par des manipulations et comment elle peut être exploitée à des fins malhonnêtes.
"L’Empathie au cœur du jeu social" par Serge Tisseron. Ce livre explore l'empathie dans les relations personnelles et professionnelles et comment la développer pour fluidifier les relations.
"Petit Livre de l’empathie" par Mariette Strub-Delain. Ce livre propose une réflexion sur la construction de l’empathie, qu’elle soit innée ou acquise, et comment bien vivre avec au quotidien.
"L’âge de l’empathie" par Frans De Waal. Dans ce livre, l’auteur démontre que l’instinct de compassion n’est pas exclusif à l’homme et que l’empathie et la coopération sont des avantages sélectifs pour la perpétuation des espèces.
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