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Super pouvoir N°3 - La mémoire émotionnelle du corps

Mon corps a une mémoire qui ne s’efface pas. Il garde tout, comme un disque dur dont on ne peut rien effacer vraiment. Les émotions, même celles que j’ai cru digérer, restent quelque part, tapies et il suffit d’un mot, d’un son ou d’une ambiance semblable à une ancienne situation pour que tout revienne. Je n’ai pas besoin d’y penser, c’est mon corps qui s’en charge, avant même que ma tête comprenne ce qui se passe.


La mémoire émotionnelle du corps

Chez les personnes autistes ou TDAH, cette mémoire corporelle est particulièrement vive. Là où d’autres passent à autre chose, nos systèmes nerveux continuent de tourner. L’émotion ne s’arrête pas quand la scène se termine. Elle reste imprimée dans les circuits qui régulent le stress, la vigilance, le mouvement. Ce n’est pas de la sensiblerie, c’est du fonctionnement neurophysiologique.


Le corps, prolongement du cerveau


Le cerveau et le corps ne sont pas deux entités séparées. Le système nerveux autonome relie les deux en permanence. Le nerf vague, qui descend du tronc cérébral jusque dans les viscères, orchestre cette communication. Quand il détecte une menace, réelle ou perçue, il déclenche une réaction de survie. Et même quand le danger est passé, ce système ne se détend pas forcément. Il reste sur le qui-vive, prêt à réagir à nouveau.


Les études sur la neuroception (Porges, 2011) montrent que ce mécanisme, censé s’ajuster automatiquement, est souvent plus réactif chez les personnes autistes ou TDAH. Autrement dit, notre cerveau détecte le danger plus tôt et le désactive plus lentement. Résultat : nos corps vivent dans un état d’alerte chronique, même quand tout semble calme. Ce qui explique les douleurs, la fatigue, les tensions qu’aucun examen ne détecte.


La trace invisible des émotions


Une émotion n’est pas seulement une idée ou un sentiment. C’est une réaction chimique, électrique et musculaire. Quand elle est forte, elle laisse une trace. Le psychiatre Bessel van der Kolk, dans ses travaux sur la mémoire traumatique, a montré que les souvenirs émotionnels s’inscrivent dans les circuits sensorimoteurs avant même d’être accessibles à la conscience. Le corps garde la réaction même quand le souvenir devient flou.


Chez les personnes autistes, la perception sensorielle étant amplifiée, ces traces sont plus nettes. Le cerveau enregistre tout le contexte d’une émotion : le bruit, la lumière, l’odeur, la texture de l’air. Quand un élément similaire réapparaît, le corps rejoue la scène, parfois sans image mentale associée. C’est une mémoire implicite, une sorte de réflexe émotionnel stocké dans la chair.


À force de stocker ces micro-réactions, le corps finit par se charger. Beaucoup d’entre nous vivent avec une tension de fond, un tonus musculaire élevé, une respiration trop courte, une digestion perturbée. Ce ne sont pas des symptômes “psychosomatiques”, mais les effets concrets d’un système nerveux hyperactif.

Le neurologue Antonio Damasio a montré que les émotions ne sont pas seulement ressenties, elles sont incarnées. Elles passent par les marqueurs somatiques, ces signaux internes qui disent au cerveau “ce que tu vis est dangereux” ou “ce que tu vis est sûr”. Quand ces signaux sont trop forts ou trop fréquents, le cerveau finit par se méfier du monde entier. C’est ce qu’on observe souvent chez les personnes autistes et TDAH : une hypervigilance de fond, un corps qui se prépare sans cesse à réagir.


Ce fonctionnement n’est pas propre à moi. Il a été observé dans plusieurs recherches sur la mémoire implicite, les réactions émotionnelles et physiologiques se réactivent avant la conscience du souvenir (LeDoux, 2000). Le cerveau autistique, plus sensible aux associations sensorielles, relie plus rapidement une perception présente à une expérience passée. D’où cette impression de “revivre” une émotion sans raison apparente.


Le corps comme témoin


Vivre avec une mémoire émotionnelle aussi physique, c’est porter en soi un enregistreur qui ne s’arrête jamais. C'est une réalité neurobiologique. Le corps n’est pas fragile, il est fidèle. Il garde la trace des émotions pour nous protéger, même si parfois cette protection devient encombrante.

Avec le temps, on apprend à l’écouter. C’est une manière particulière de ressentir le monde et le temps.


La mémoire émotionnelle du corps n’est pas un trouble, c’est une conséquence directe d’un système nerveux qui perçoit plus, retient plus et relie plus. Elle fait partie du fonctionnement autistique et TDAH, au même titre que la mémoire perceptive, la pensée visuelle ou l’attention intense.

Pour beaucoup d’entre nous, penser et ressentir ne sont jamais deux choses séparées.

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