Super pouvoir N°6 - L’attention fractale
- Atypique World

- il y a 5 jours
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Hyperfocalisation totale sur un détail ou un sujet
Quand je me concentre sur quelque chose, il n’y a plus rien autour. Je peux passer la journée entière sur un projet sans voir le temps filer, sans boire, sans manger, sans dormir, sans même me rendre compte que j’ai mal aux yeux. Le monde entier se rétrécit jusqu’à ce qu’il ne reste qu’un seul point. Ce n’est pas de la volonté, c’est comme un verrouillage automatique. Mon cerveau décide que c’est le sujet du moment et il ne lâchera rien tant qu’il n’aura pas fini.

J’ai mis du temps à comprendre que ce n’était pas une manie, mais un fonctionnement. Les chercheurs appellent ça l’hyperfocalisation, et chez les personnes autistes ou TDAH, c’est à la fois un moteur et une trappe. On parle d’attention fractale parce que plus on s’approche du détail, plus il y a de détails à explorer. Mon cerveau est un microscope sans bouton stop.
Quand tout s’efface autour
Dès que quelque chose m’intéresse, je plonge. Je peux rester bloquée des heures sur une phrase à reformuler, une idée à vérifier, une couleur à ajuster. Pendant ce temps, plus rien n’existe. Je n’entends plus les bruits, je ne ressens plus la fatigue, je ne réponds plus aux messages. Si quelqu’un me parle, j’enregistre à moitié, mais la moitié utile reste ailleurs.
Ce n’est pas de la distraction, c’est l’inverse. Mon attention se concentre tellement qu’elle en devient exclusive. Les neurosciences expliquent ce phénomène par un système de dopamine capricieux. Quand le cerveau autistique ou TDAH trouve un sujet stimulant, il se nourrit de cette activité comme si c’était vital. Et quand le sujet ne l’intéresse pas, la dopamine chute, l’attention s’évapore et il devient impossible de se forcer.
Le chercheur Russell Barkley (encore lui) résume bien le truc. Nous ne manquons pas d’attention, nous la régulons différemment. Soit elle est dispersée, soit elle est verrouillée à fond. Il n’y a pas de milieu.
Autrement dit, le cerveau n’a pas de mécanisme stable pour contrôler quand, comment et sur quoi porter son attention. Il explique que les circuits dopaminergiques, ceux qui gèrent la motivation et la récompense, ne s’activent pas de façon constante. Ils dépendent du niveau d’intérêt ou d’urgence perçu. Quand la tâche stimule suffisamment ces circuits, l’attention devient surpuissante. Quand elle ne les active pas, la concentration s’effondre.
En résumé, l’attention ne fonctionne pas de manière continue. Elle alterne entre des phases d’hyperfocalisation et des moments de dispersion complète. Ce n’est pas une paresse mentale, c’est une variabilité neurologique liée à la dopamine et à la connectivité du cortex préfrontal.
Le plaisir du détail
Quand je suis dans cet état, je ressens une satisfaction presque physique. Chaque détail compte, chaque correction m’apaise. C’est un mélange d’excitation et de calme profond. Je ne travaille pas, je suis branchée sur une fréquence qui me correspond. Je comprends tout plus vite, je retiens mieux, je vois les connexions que je ne verrais pas en mode “normal”.
Mais c’est aussi ce qui me piège. Je peux passer trois heures à reformater un paragraphe et oublier que j’ai une vie autour. Le corps finit par protester. Mal de dos, yeux secs, faim, tout en même temps. Et je me rends compte qu’il est deux heures du matin alors que j’étais persuadée d’avoir commencé “il y a une heure à peine”.
Le temps n’existe pas
Quand le cerveau est dans cet état, il perd la notion du temps. Des études ont montré que pendant l’hyperfocalisation, le cortex préfrontal se met en mode “flux continu”. Les signaux du corps passent à l’arrière-plan. Résultat : on vit dans un espace mental parallèle où seule la tâche compte.
Je crois que c’est pour ça que je peux créer, écrire, organiser ou comprendre à une vitesse folle, mais être incapable de gérer une simple facture à la poste. Ce n’est pas la tâche qui change, c’est la dopamine.
L’effet lendemain de fête
Après une phase d’hyperfocalisation, je me sens souvent vidée. Comme si j’avais couru un marathon mental. J’ai beau avoir accompli beaucoup, le retour au réel est rude. Le cerveau met un moment à redescendre. Certains parlent d’un “crash dopaminergique” et je confirme ça pique 😅.
Il y a des jours où j’aimerais pouvoir l’éteindre à volonté. Appuyer sur pause, m’obliger à manger, à respirer, à sortir de la bulle. Et puis il y a des jours où je bénis ce fonctionnement. Parce qu’en hyperfocalisation, tout est plus clair, plus cohérent, plus satisfaisant. Je ne survis pas au monde, je le comprends.
Ce mode d’attention est exigeant, mais il m’a permis de construire beaucoup de choses. Il explique mes élans créatifs, mes nuits sans sommeil, mes projets menés d’une traite. Il explique aussi mes oublis, mes retards, mes journées entières où j’oublie que j’ai un corps.
L’attention fractale, c’est un moteur qu’il faut apprendre à piloter. Souvent je m’y perds, parfois je m’y retrouve. Mais une chose est sûre : quand je plonge, je plonge vraiment. Et quand j’en ressors... je dors 😴💤.







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